En ces temps de débats religieux et politiques, les accommodements raisonnables sont une fois de plus dans la mire, concernant cette fois-ci les traitements médicaux. N’y a-t-il pas, en effet, plus problématique que d’essayer de concilier liberté de religion et croyances avec les autres principes généraux du droit canadien?
Exemple d'une décision de la Cour
Une récente décision de la Cour suprême en 2009 illustre bien ce problème; elle se rapporte au droit pour les enfants à consentir à leurs soins médicaux en relation avec leur liberté de religion.
L’affaire en cause, au Manitoba, concerne un enfant de 14 ans Témoin de Jéhovah, qui a été hospitalisé en 2006 en raison de saignements intestinaux. Selon les médecins, cet enfant risquait de mourir s’il ne recevait pas des transfusions sanguines, ce à quoi l’enfant s’opposait, car elles sont interdites par sa religion.
La loi du Manitoba prévoit qu’un tribunal peut, dans les cas de refus de traitements médicaux pour les enfants de 16 ans et moins, autoriser les traitements en considérant leur intérêt. Les enfants de cette catégorie d’âge sont considérés comme ayant besoin de protection. Il en est autrement pour ceux de 16 ans et plus. Leur consentement est nécessaire, sauf s’il est prouvé qu’ils ne sont pas assez matures pour bien comprendre tous les risques et les enjeux de cette décision.
L’intérêt de l’enfant doit donc être considéré sous l’angle de sa maturité et de sa capacité de discernement. Dans la présente affaire, des évaluations psychiatriques avaient été fournies au tribunal pour prouver que cet enfant de 14 ans comprenait bien la nécessité du traitement et les dangers qu’il courrait faute de soins. Malgré ces évaluations, le juge n’a pas tenu compte des rapports psychiatriques. Comme l’enfant n’était âgé que de 14 ans, le tribunal pouvait agir de façon discrétionnaire et ordonner le traitement en vertu de l’intérêt de l’enfant.
Les avocats de l’enfant plaidèrent en Cour Suprême que la loi manitobaine était invalide, parce qu’elle faisait une discrimination basée sur l’âge et qu’elle brimait la liberté de conscience et de religion des mineurs de moins de 16 ans. Le respect du corps humain est un droit fondamental dans notre société. C’est pour cela que le consentement aux soins est si important.
Toutefois, les juges de la Cour suprême ont confirmé la validité de la loi Manitobaine, en ajoutant que la loi doit être interprétée de manière à tenir compte du choix de tous les mineurs, en fonction de leur capacité individuelle à prendre leurs propres décisions. L’enfant a donc subi le traitement.
Au Québec
Même si cette affaire s’est déroulée au Manitoba, elle influence le droit au Québec. Le Code civil québécois fixe, quant à lui, à 14 ans et plus l’âge du consentement aux soins médicaux. Les grands principes de l’arrêt de la Cour suprême, comme la maturité et l’intérêt supérieur de l’enfant viendront encadrer au Québec l’étude de la nécessité du consentement des mineurs aux soins de santé.
Chronique rédigée par Marie-Ève Harpin, stagiaire en droit, 2009-2010
Mise à jour : Janvier 2015
Note
L’information contenue dans le présent article est d’ordre général. Elle ne prétend pas répondre à tous les cas de figure. Pour de plus amples renseignements concernant le droit familial, téléphonez à la ligne d’information juridique d’Inform’elle 450 443-8221 ou au 1 877 443-8221 (sans frais) ou consultez une personne exerçant la profession d’avocat ou de notaire.
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