Les conditions
Il doit y avoir enrichissement du défendeur (la personne à qui on réclame le montant), c’est-à-dire une augmentation du patrimoine ou d’un avantage obtenu. Cet enrichissement doit toujours être présent au moment où l’action est intentée, à moins de mauvaise foi de celui qui s’est enrichi. Il doit y avoir aussi un appauvrissement du demandeur; de plus, ce dernier a la charge de démontrer qu’il existe un lien entre son appauvrissement et l’enrichissement du défendeur. Par la suite, il ne doit pas exister de justification à cet enrichissement. Par exemple, cet enrichissement ne doit pas s’expliquer par le fait que le demandeur s’était engagé à satisfaire une obligation légale envers le défendeur et il ne doit pas s’agir d’un acte que le demandeur aurait fait pour son propre intérêt personnel.
Les effets
L’objectif est que le demandeur soit compensé par l’enrichi pour son appauvrissement, mais non s’enrichir indûment à son tour. Par conséquent, le demandeur ne peut espérer obtenir un montant supérieur à la moindre des sommes que constitue soit l’enrichissement soit l’appauvrissement. Mentionnons que ces sommes s’apprécient au moment de la demande.
Jugement récent
Les parties avaient commencé à faire vie commune en 1997, à une époque où elles avaient toutes deux un revenu modeste. En 2000, elles ont fait l’acquisition d’une résidence et le défendeur a quitté son emploi pour se lancer en affaires. Les parties ont ensuite décidé de fonder une famille. Au cours des années qui ont suivi, la demanderesse a pris soin des 2 enfants du couple et elle s’est occupée de la maisonnée. Elle a aussi travaillé pour soutenir la famille alors que les revenus du défendeur étaient particulièrement bas à la suite du lancement de ses entreprises. À compter de 2008, celles-ci ont commencé à connaître un essor fulgurant et elles sont devenues hautement profitables. Le défendeur, comprenant la situation dans laquelle il se trouvait, a décidé de moins travailler et de jouir de la vie, compte tenu de ses nouveaux moyens financiers. En 2012, la compagnie C a été vendue, la part nette du défendeur dans cette transaction s’élevant à 17 millions de dollars. Quelques mois plus tard, le défendeur a informé la demanderesse qu’il la quittait. Cette dernière a réclamé une somme forfaitaire de 3 500 000 $ basé sur un enrichissement injustifié du défendeur pendant la vie commune. Elle soutient qu’elle a directement participé à la réussite du défendeur à accumuler un actif de 17 millions en date de la séparation. Le défendeur refuse systématiquement de reconnaître quelque contribution de la demanderesse à son succès en affaires.
La cour vient à la conclusion que les parties ont participé à l’élaboration d’un projet de vie commune au cours de laquelle l’enrichissement du défendeur s’est réalisé en totalité. L’appauvrissement de la demanderesse résulte principalement de son apport en services familiaux et domestiques, lequel a permis au défendeur de se concentrer sur la création du produit qui a mené à son enrichissement. Le juge décide qu’il faut aussi tenir compte de la participation directe de la demanderesse, dans la mesure de ses moyens, aux finances du couple alors que le défendeur n’avait pas de revenus. Sans le soutien de la demanderesse dans les années cruciales de croissance qui l’ont rendu multimillionnaire, le défendeur n’aurait peut-être jamais atteint le niveau de richesse qu’il a réalisé. Par ailleurs, bien que la demanderesse ait été en mesure d’augmenter sa valeur nette pendant l’union, celle-ci l’a été dans une proportion et dans une quantité n’ayant aucune commune mesure avec l’augmentation de celle du défendeur. En l’espèce, elle serait adéquatement indemnisée par l’attribution d’une somme équivalant à 20 % de la valeur nette du défendeur à la date de la séparation, en tenant pour acquis que les valeurs nettes des 2 parties au début de leur union s’équivalent. Cela représente une somme de 3,4 millions de dollars, laquelle sera rajustée en fonction des contributions du défendeur à la valeur nette de la demanderesse pendant l’union.
Rappelons que pour pouvoir conclure qu’il y a enrichissement injustifié, il doit y avoir une corrélation entre l’enrichissement et l’appauvrissement : l’union de fait qui a duré longtemps pose la présomption d’une telle corrélation.