En plus d’être une institution sociale qui date depuis des siècles, le mariage est avant tout un contrat conclu entre deux personnes en vue de faire vie commune. Or, pour qu’un contrat soit valablement formé, il faut que les personnes aient valablement consenti aux termes de celui-ci. En d’autres mots, leur consentement doit être libre et éclairé. Le consentement libre est celui donné par une personne qui a réellement la volonté de consentir à faire vie commune, à se marier avec une autre sans crainte de représailles physiques ou psychologiques. Le consentement éclairé est celui donné par une personne apte, qui est en mesure de comprendre l’étendue, les conséquences et toutes les implications du mariage.
Un mariage forcé n’est pas un mariage valide selon nos mœurs et notre droit.
Au Canada, le mariage forcé demeure un sujet très peu exploré. Plusieurs y voient un phénomène isolé et non pas une réelle problématique à laquelle il faut s’intéresser et s’attaquer. Bien que des données sur le sujet soient limitées, un recensement entrepris par la Clinique juridique pour les ressortissants de l’Asie du Sud-Est réussit tout de même à brosser un tableau du phénomène au Canada. L’étude a été menée auprès de 70 organismes communautaires. Entre 2010 et 2012, 219 cas de mariages forcés ont été recensés. Parmi ces 219 mariages, 202 femmes avaient fait l’objet de consentement forcé et 17 hommes avaient subi la même contrainte. 145 victimes étaient âgées de 25 ans ou moins et 30 d’entre elles résidaient au Québec. La majorité des cas étaient issus de familles originaires de l’Asie du Sud, du Moyen-Orient, du Maghreb (Maroc, Algérie et Tunisie), d’Haïti, de Cuba, de la République dominicaine, d’Amérique latine et de l’Europe de l’est.
Les cas de mariage forcé se présentent sous le couvert de scénarios différents.
Par exemple :
- Une personne est forcée de se marier dans son pays d’origine avec un résident-e ou un citoyen-ne canadien-ne (originaire du pays de l’époux-se), qu’elle devra ensuite rejoindre au Canada;
- Une personne née ou qui a été élevée au Canada est forcée de se marier avec une personne qui est également établie au Canada;
- Une personne née ou élevée au Canada est forcée de se marier avec un homme dans son pays d’origine et continue de vivre là-bas avec lui;
- Une personne née ou élevée au Canada est forcée de se marier dans son pays d’origine avec une personne qui y réside et qu’elle devra éventuellement parrainer au Canada.
La différence entre un mariage forcé et un mariage arrangé
Le mariage forcé est un mariage dont l’une des deux personnes ou les deux personnes n’ont pas valablement donné leur consentement au mariage alors que le mariage arrangé n’implique pas une absence systématique de consentement de la part des personnes en cause. Il arrive souvent que des parents jugent qu’ils sont les mieux placés pour trouver l’époux ou l’épouse la plus compatible pour son enfant. Ils feront les introductions en espérant un consentement. Dans ce cas, le mariage bien qu’arrangé demeure tout de même valide. On peut dire que tous les mariages forcés sont arrangés, mais que tous les mariages arrangés ne sont pas nécessairement forcés.
Quelques motifs pour le mariage forcé
Plusieurs raisons semblent motiver l’imposition d’un tel mariage. La liste non exhaustive suivante représente les scénarios les plus communs à l’origine d’un mariage forcé.
• Le mariage est indépendant de la volonté des futurs époux
Pour certains parents c’est une affaire de « parents », cela relève de leur autorité.
• Protection des filles
Pour certains parents leur enfant fille a besoin de protection. Leur enfant est sous tutelle de manière permanente. En mariant leur fille à un jeune âge à une personne réputée dans la communauté ou à une personne de confiance, ils la laissent entre de bonnes mains. Son futur et sa réputation sont assurés. Le consentement de la fille est inutile puisque l’enfant est considéré par ses parents et sa famille comme inapte à en donner un.
• Honneur de la famille
« L’honneur » dans le contexte du mariage forcé représente une réalité différente de sa conception « occidentale ». En effet, l’honneur représente l’estime et le respect que témoignent l’entourage et la communauté envers une famille donnée. Une famille préserve son honneur en respectant avec rigueur les valeurs et exigences de leur culture et de leur religion. Le mariage est une façon de protéger et d’éviter toute atteinte à l’honneur de la famille qui pourrait être causé par un enfant fille. Le raisonnement derrière le mariage forcé d’une fille favorise l’honneur de la famille puisqu’elle sera mariée à quelqu’un de sa communauté et de sa religion prévenant ainsi une assimilation ou le risque d’un mariage entre groupes ethniques en conflit dans le pays d’origine.
• Famille loin de son pays d’origine
Loin de leurs pays d’origine, certaines familles pratiquent « l’endogamie » ; qui oblige une personne appartenant à un groupe particulier de se marier à une autre personne du même groupe. La manifestation contemporaine la plus connue de cette pratique est le mariage obligatoire entre cousins et cousines. Cette obligation de se marier entre membres de la même famille est étroitement liée aux idéaux d’honneur et permet également de perpétuer l’existence d’un nom de famille ou de le garder « en vie » ce qui peut s’avérer fondamental pour certaines familles.
• La préservation de la virginité sacrée
La virginité est pour certaines cultures et religions un bien sacré à préserver à tout prix. Une famille qui se soucie de son honneur ne voudrait pas que sa fille entretienne des relations amoureuses avec une personne de son choix et encore moins des relations sexuelles hors mariage. Une fille qui a une relation sexuelle avec une personne dont elle n’est pas l’épouse est « adultère ». Elle perd sa dignité et porte atteinte à l’honneur de sa famille. Il est difficile d’imaginer une plus grande honte pour une famille que de voir leur fille perdre sa virginité avant le mariage. Un nouvel époux pourrait annuler le mariage si sa femme n’est pas vierge. Il peut demeurer dans le mariage, mais il persécutera son épouse et en la traitant comme une personne indigne et impure. Un mariage forcé à un jeune âge est une façon pour des parents de prévenir ce potentiel déshonneur.
• Une grossesse hors mariage est une catastrophe
Une grossesse hors mariage signifie la catastrophe, le déshonneur et la détresse de la famille. Cette erreur doit être réparée par la famille de « l’infâme » pour sauver ce qui reste de l’image sociale. Cette réparation de l’erreur se traduit en mariage forcé de la fille au père de l’enfant afin de légitimer la grossesse et l’enfant qui en résultera puisque l’avortement n’est pas envisageable.
• Pauvreté et recherche de meilleures conditions de vie
Le mariage est considéré comme un des remèdes les plus efficaces contre la pauvreté pour certaines familles. Un mariage forcé entre un homme d’âge mûr ayant les moyens « de payer » des parents pour une jeune mariée répondra aux besoins financiers de la famille et répondra aux besoins de quiétude quant à l’avenir de leur enfant.
Chronique rédigée par Christine Makar, stagiaire en droit 2015-2016
Mise à jour : Mars 2016
Sources
- Un mariage comme une prison, La Gazette de Femmes, Marie-Hélène Verville
- monmariagemappartient.be
- Rapport sur la pratique des mariages forcés au Canada : entrevues avec des intervenant(e)s de première ligne.
- violenceconjugale.gouv.qc.ca
- amnistie.ca
- www.larusse.fr
- www.justice.gc.ca
Note
L’information contenue dans le présent article est d’ordre général. Elle ne prétend pas répondre à tous les cas de figure. Pour de plus amples renseignements concernant le droit familial, téléphonez à la ligne d’information juridique d’Inform’elle 450 443-8221 ou au 1 877 443-8221 (sans frais) ou consultez une personne exerçant la profession d’avocat ou de notaire.
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